• Les deux fils du chaman

    56’,1998

    Pierre Boccanfuso, réalisateur, auteur, opérateur de prise de vues et monteur du film

    Conseiller scientifique : Charles Macdonald, ethnologue et directeur de recherche au CNRS.

    Production : Gédéon Programmes, Institut de Recherche sur le Sud-Est Asiatique et CNRS Audiovisuel.

     

    Les deux fils du chaman

     

     

    "Ce documentaire n’est pas un film de plus sur les tribus en marge du "monde moderne". Peut-être simplement parce que, contrairement à d’autres, il raconte une histoire, avec une intrigue et un dénouement. Quand il a réalisé ce documentaire, Pierre Boccanfuso connaissait déjà l'ethnie des Palawan depuis trois ans. A la faveur de cette intimité, sans doute a-t-il su s’immerger dans le groupe jusqu’à se faire oublier. Aux moments cruciaux, les autochtones ne portent aucune attention à la caméra. Ils semblent même se prêter naturellement aux impératifs du tournage (champ-contrechamp lors d’une discussion). Si bien qu’on a le sentiment d’assister directement aux scènes de la vie quotidienne de ce peuple de chasseurs et de pêcheurs. Le sous-titrage systématique et le commentaire dépouillé parachèvent cet effet de proximité". (Critique de Télérama)

    Vendredi 18 octobre à 18h30. La projection sera suivie d’une une table ronde animée par la MSH-Montpellier, le CERCE (UPV 3) et Ethno Doc en présence de Pierre Boccanfuso et Charles Macdonald

     

    Entretien avec Charles Macdonald, Ethnologue et Pierre Boccanfuso, Cinéaste, autour du Film « Les deux fils du chaman »

     

    Laurent Maget : À quelle époque a commencé ton travail sur les Palawan 

    Charles Macdonald : Je suis parti aux Philippines en 1969 et je suis allé à Palawan en 1970, pour la première fois. J ’ai commencé à les étudier sérieusement en faisant une enquête de terrain en 71 / 72 et depuis j’y retourne très régulièrement. J’y fais d’assez longs séjours et un grand nombre de courts séjours. 

     

    LM : À un moment donné tu te mets à utiliser la photographie et l’image animée, la caméra…

    CM : La photographie, je l’ai toujours utilisée. Au départ évidemment j’ai essayé différents systèmes photographiques, le NxB, la couleur…C’était cher, c’était difficile, il fallait évidemment attendre le temps d’avoir les résultats…Mais la caméra, je ne l’ai véritablement utilisée qu’au début des années 80, avec la vidéo, les premières vidéos. 


    LM : Tu l’utilisais dans quel but au départ ?
    CM : J’ai fait un tout petit peu de super 8 dans les années 70, dans le but de constituer des archives visuelles de la vie quotidienne, des techniques, des événements de la vie sociale, mais enfin, il est vrai que c’était difficile, un peu cher, et que finalement j’avais du mal disons à utiliser ce moyen. C ’est surtout au début des années 80, quand on a eu les premières caméras vidéo qui permettaient de faire des heures et des heures de « footage » que ça ma branché, là je m’y suis vraiment mis. 

    LM :
     Tu avais choisi le support vidéo pour quelles raisons en fait ?
    CM : Le support vidéo je l’avais d’abord choisi parce qu’il était pratique, peu cher, et qu’il permettait de faire énormément d’heures de film. À un certain moment de mon travail d’ethnologue, je travaillais sur un rituel, et ce rituel avait un côté extrêmement théâtral et esthétique. Je me suis rendu compte que jamais par l’écriture, je ne pourrais transcrire la beauté inhérente à cette manifestation de culte. Je pouvais la décrire par ailleurs ou l’expliquer, du moins l’analyser, mais véritablement seule l’image pouvait me donner la possibilité de faire connaître la qualité esthétique de ce rituel à des personnes qui ne seraient pas de cette culture. 

    LM :
     C’était davantage l’outil vidéo que le langage vidéo à ce moment-là ? 
    CM : Oui, encore que je n’ai pas encore vraiment compris la différence …

    LM :
     On peut considérer que « l’outil vidéo » concerne le témoignage de situations, leur simple captation, quand le « langage vidéo » concerne lui, la narration structurée d’une histoire
    CM : Finalement je me suis mis à ce que tu appelles le langage vidéo dans ce sens où je me suis investi véritablement dans cette façon de capter la réalité, et je me suis rendu compte que j’avais des réflexes étonnants, que je n’avais jamais eu avant ! J’arrivais presque à anticiper des mouvements, des déplacements de personnes, et j’ai été stupéfait de voir que finalement la vidéo m’avait inculqué un autre moyen de voir la réalité. Donc peut-être là j’ai commencé sans le savoir à apprendre ce que tu appelles le langage vidéo.

    LM :
     Or pourtant, tu me l’as dit, tu reviens avec tes films et tu n’en es pas satisfait. 

    CM : J'étais tout de même un amateur. À l’époque nous étions un certain nombre à démarrer avec cette nouvelle technologie. Marc-François Deligne avait commencé à monter son unité audiovisuelle à l’IRESCO, et il m’avait aidé à monter mon premier film. On avait mis quand même beaucoup de temps à faire les sous-titrages, le montage et le reste, et le produit finalement je ne suis jamais arrivé à le placer nulle part…Il est vrai que techniquement il n’était pas assez bon, qu’il n’aurait pas pu passer à la télévision. Il y avait des « Scratch » etc…Je me suis rendu compte que finalement tout le temps que j’avais passé, tout l’investissement que j’avais mis dans ce produit n’était pas tellement rentable puisque je n’arrivais pas à le diffuser, je n’arrivais pas à le montrer comme je le voulais. Je l’avais envoyé à la personne qui s’occupait de l’audiovisuel au CNRS et il m’avait jeté en me disant qu’il ne pouvait pas utiliser un truc pareil !… J ’ai pris un peu une claque, sans doute méritée parce que j’aurais dû être plus professionnel, faire plus attention…Alors par la suite j’ai décidé que je ne m’investirais plus tellement dans l’audiovisuel. 


    LM : Est-ce à ce moment-là que tu choisis de passer à une étape différente et de travailler avec un réalisateur ?  

    CM : Les choses se sont faîtes sans véritablement de prise de décision de ma part. On s’est rencontré avec Pierrot (Pierre Boccanfuso) qui est venu sur Palawan et l’on a commencé à nouer une collaboration née aussi d’un intérêt et d’une passion commune pour cette population, cette culture, et à ce moment-là les choses ont pris un tour complètement différent. 


    LM : Pierre, tu rencontres en fait Charles au moment où il est sur le terrain ou bien tu étais déjà allé sur place en amont ? 

    Pierre Boccanfuso : En fait Charles allait sur Palawan depuis 1971. Moi j’ai commencé à faire des films documentaires sur l’étranger en 87, Mais c’était des documentaires sur des expéditions sportives... aucun intérêt scientifique. On a donc fait certains films qui ont été diffusé sur des chaînes, puis un beau jour, on était sur Bornéo pour une expédition d'archéologie, et en parallèle on a essayé de faire un film ethnographique au cœur de Bornéo, chez les Punan, et l’on s'est mis à les filmer sans les connaître (on parlait un petit peu la langue indonésienne) et je me suis retrouvé avec la caméra 16 mm sur l'épaule en train de filmer un Punan, mais nous étions cinq alignés devant lui. Donc très professionnels, preneur de son, perche etc... et j'ai senti le Punan tétanisé par la situation. Je me suis dit « Pierre, ce que tu filmes, ce n'est pas la réalité ». De retour en France je me suis dit qu'il fallait que je rencontre des ethnologues pour voir de quelle manière ils s'immergent dans une société. Je n'en connaissais pas un ! Alors j'ai fouiné, puis rencontré Pierre Jordan. Je lui ai fait part de mon intérêt de le suivre sur son terrain car Pierre faisait déjà des films, et il m'a répondu à juste titre « moi je pars tout seul, mais il y a un institut de recherche qui vient de se créer à Aix-en-Provence, l'Institut se recherche sur le sud-est asiatique, dirigé par M. Charles Macdonald ». 

    J'ai contacté Charles, puis je l'ai rencontré en mai 93 et lui ai fait part de mes envies. On s'est revu quelques mois plus tard. Charles avait fait des images sur un groupe ethnique de Palawan (les Taw Batu, qui vivent 3 mois par an dans des grottes), et il m'a demandé de monter ces images pour une exposition qui avait lieu au musée Albert Kan, sur Paris. Il s'agissait d'une exposition de photographies faîtes par un professionnel, Pierre de Valombreuse, qui a eu une belle approche de cette ethnie, et des textes de Charles. Dans une petite salle obscure se diffusaient ces films-là. 

    J'ai donc fais ces montages, puis Charles m'a fait rencontrer deux chercheurs de l'IRCA qui avaient aussi des images sur le Bhoutan filmées par Charles, et sur Bornéo. J'ai donc fait aussi des montages de ces images-là. Charles a dû se rencontre que j'étais assez rigoureux dans mon travail, et ensuite je suis revenu sur le fait que j'aimerais bien le suivre sur son terrain. On a envisagé de travailler ensemble, mais on ne savait pas encore sur quel type de film. Charles m'a parlé d'e l'une de ses études qui était sur le suicide et l'on a envisagé de faire un film sur ce sujet. Donc Charles m'invite à une conférence qu'il donne sur le suicide, et durant cette conférence, il parle énormément de Tuking qui est le Chaman de cette société là. À la sortie de cette conférence, je lui dis que je pensait que l'idée du film était un sujet sur le suicide, mais en prenant comme personnage principal Tuking qui justement combat le suicide dans son ethnie. 

    Nous sommes partis en 94 en repérage. Là, j'ai vraiment trouvé ce que je recherchais, c'est-à-dire l'immersion dans une société. Je me suis donc initié au dialecte Palawan. Je me souviens que Charles m'avait laissé seul dans l'ethnie du huitième au quinzième jour car il devait aller à un colloque international, et déjà le huitième jour, je baragouinai le Palawan et les gens me comprenaient un petit peu, j'arrivais à m'exprimer. Quand Charles est revenu, j'avais une liste de mots que je ne comprenais pas, que Charles m'a vite traduit. J'avais constamment un petit carnet dans ma, poche et je notais tous les mots que je ne comprenais pas. Il y a d'abord eu cette immersion dans la langue, puis Charles m'a ensuite appris toutes les coutumes, toutes les traditions de cette ethnie, et de retour en France, on écrit un synopsis, un scénario. Lors des repérages, on avait dégagé ce personnage principal de Tuking, le Chaman, et l'on s'est mit à rechercher des financements. À cette époque, je n'étais pas encore au CNRS mais intermittent du spectacle. On repart un an plus tard pour faire le film et, quand on arrive dans l'ethnie, on nous annonce que le Chaman, Tuking, était décédé depuis trois semaines. Toute l'écriture du scénario, toute l'histoire, tombait à l'eau. On se retrouvait sans film. Là, la présence de Charles a été primordiale. Parlant parfaitement ce dialecte, il s'est rendu compte que se posait le problème de la succession de Tuking. Il m'a donc dit qu'il y avait là sans doute un sujet intéressant sur deux de ses fils qui rivalisaient (même si le terme est trop fort) pour la succession de leur père. Nous avons décidé de faire beaucoup d'interviews de ces deux fils-là. 

    LM : Là, il y a vraiment interaction entre vous. Tu es initié par Charles à cet espace ethnique des Palawan, et dans le même temps Charles rentre dans l'écriture filmique. C'est une relation très particulière. Charles, en général un chercheur n'aime pas trop qu'on vienne sur son terrain, il considère que c'est risqué. Comment l'as-tu évalué ce risque ? 

    CM : Je l'ai évalué comme tu le dis. J'amène un étranger, comment il va-t-il réagir, quel facteur de perturbation (de destruction) va-t-il apporter éventuellement, est-ce qu'il va me créer des problèmes etc.
    Il est vrai que lorsque l'on est ethnologue, on aime pas tellement amener des gens sur son terrain. On a envie de garder le contact avec les gens qui nous accueillent, qu'il ne soit pas perturbé par la présence de quelqu'un qui est étranger, qu'on ne connaît pas, dont on ne connaît pas les réactions. On a tenté le coup Pierre et moi, ça c'est très très bien passé et ce dont je me rappelle, ce sont des très longues conversations que l'on a eues pendant cette première période de terrain commun où l’on habitait dans la même maison. On était pratiquement tout le temps ensemble et l’on envisageait toutes sortes de scénarios possibles pour le film, et ça a été une période où justement j'ai appris à voir les choses peut-être un peu différemment. Puis il y a un facteur qui est important pendant cette période où l’on était ensemble sur le terrain, j'y voyais aussi bien sur un avantage, je dois le dire parce que pierrot étant un professionnel de l'image, des caméras, ça me permettait de réaliser autre chose de plus intéressant, dont je m'étais rendu compte que je n'arrivais pas à le faire tout seul car je n'étais pas un professionnel, je ne connaissais pas assez bien les manipulations, enfin, je n'avais pas la formation. Avoir un professionnel qui maîtrisait cette technique pouvait m'apporter beaucoup. 
    C'est vrai qu'au départ, on était parti sur un projet finalement très abstrait, qui était mon projet de recherche, que par la suite j'ai continué bien sur, une investigation que j'ai poursuivie de mon côté, mais on s'est vite rendu compte que ce n'étais pas possible. Filmer le suicide évidemment... Enfin on n'est pas arrivé à trouver un scénario, à trouver le langage visuel, la narration qui correspondait à un thème trop académique. 
    Et puis il y a un autre aspect. On s'est bien entendu Pierrot et moi. Il avait une approche extraordinairement respectueuse et empathique de la culture où l'on était, et là, ce qui m'a servi aussi, c'était sa propre vision des choses, son comportement, qui était différent du mien, avec les gens. Il y a une dimension que j'ai gagné à avoir quelqu'un comme Pierrot avec moi qui m'apportait un autre type de contact avec eux. 
    Il faut dire aussi que, les terrains solitaires, même si les ethnologues sont assez jaloux de leur prérogative d'être les spécialistes d'un groupe etc... au bout d'un certain temps, c'est pesant. 
    La solitude... même si les gens avec qui l'on est, avec qui l'on travaille, le groupe qui vous accueille sont des gens sympathiques, qui vous accordent l'hospitalité etc...etc...C'est tout de même plus sympa de le faire avec quelqu'un avec qui l’on peut parler dans sa propre langue, avec qui l’on peut communiquer toutes sortes d'impressions, avec qui évidemment il y a une autre sorte de communication, plus reposante... Il y a évidemment un élément humain très important. 

    LM : Par ailleurs Pierre, tu vois vite la différence avec ce que tu as vécu à Bornéo et ce qui commence très vite à se passer avec les Palawan quand tu accompagnes Charles. 

    CM : Oui, j'étais satisfait car c'était vraiment ce que je recherchais. Cette immersion pour apprendre leur dialecte, pour les traditions, pour toutes les coutumes et leur mode de vie. J'avais refusé toute équipe technique. Donc je suis seul à filmer, Charles m'aide pour les éclairages, mais nous n'avons pas une équipe de tournage. Si nous nous retrouvions à quatre ou cinq, forcément on discuterait continuellement en français et l’on construirait une barrière entre eux et nous.
    Là, j'essaye de communiquer en Palawan, Charles leur parle régulièrement, et c'est vrai que nous avons eu en français des discutions vraiment passionnantes car Charles est vraiment un livre vivant. Je lui pose une question et j'ai tous les renseignements. C'est un chercheur qui n'est ni avare ni égoïste et qui offre toutes ses données. Charles m'a donné plusieurs fois ses lexiques et je ne pense pas que tous les chercheurs réagissent de cette manière-là. 

    Et je me souviens (Pierre s'adresse à Charles) que tu m'avais dit un jour «, « je regrette de n'avoir jamais pu amener un de mes étudiants sur le terrain. 

     

    LM : Pourtant, te rends-tu compte que tu t'embarques dans une aventure qui ne va pas dure deux semaines ou deux mois lorsque tu démarres ce travail ? 

    PB : Je ne réalise pas, non. On avait programmé des repérages en 94 et un tournage en 95. On n’avait pas programmé plus loin. Ces deux terrains-là je les partage avec Charles. Ensuite l'idée d'abandonner le thème du suicide, on l'a vraiment abandonnée quand on a appris le décès de Tuking, car on avait trouvé le moyen d'essayer de construire une histoire attrayante pour le grand public à travers un personnage important dans l'ethnie. Et c'est vrai qu’à l'origine, ce projet était très difficile à réaliser, mais j'aime bien ce qui est difficile. 

    C'est vrai que faire un sujet sur le suicide... on avait déjà commencé lors des repérages à faire plusieurs interviews de familles qui avaient perdu un des leur lors d'un suicide, mais on ne voyait pas trop de quelle manière... Donc dès que l'on est revenu en tournage et qu'on avait plus notre personnage, l'idée n'était plus d'actualité, et l’on a fait ce film sur la succession du Chaman. 
    De retour en France, Charles et moi on avait décidé de faire un 52 mn qui puisse intéresser à la fois le monde ethnographique, qui puisse tourner dans les circuits de recherche et dans les circuits universitaires pour la recherche proprement dite, et qui soit bien accepté par le monde du privé, donc qu'il puisse avoir des diffusions sur les chaînes.
    Revenu en France, j'ai fait une maquette du film pour pouvoir intéresser un producteur pour un 52 minutes. On m'a proposé un 26 minutes, mais notre but était de faire beaucoup plus long. Charles démarrait un terrain au Vietnam et n'a pu revenir en 1996. Je suis donc parti tout seul en 1996 et 1997. 

     

    LM : Charles, en quoi ce film a modifié ton regard sur ton travail et éventuellement sur ton terrain. 

    CM : De plusieurs manières. D'abord l'accumulation de données visuelles et verbales, que j'ai due ensuite retravailler avec Pierrot, m'a apporté des documents neufs, et parfois des documents très importants, comme par exemple toutes ces scènes au marché où les gens plaisantent, échangent des propos ... ils se blaguent etc... de devoir le traduire, le ré étudier sur la bande son m'a énormément apporté. Et puis il y a une chose très importante aussi. À un moment, Pierrot a pu, avec l'aide d'un Palawan sur place, faire un film sur une cérémonie que je n'avais jamais vue, et je me suis appuyé sur ce matériau filmé pour publier une analyse sur ce rituel. 

     

    LM : Il n'y avait donc pas uniquement une notion de visibilité de ton travail, il y avait aussi une valorisation... 

    Charles Macdonald : Oui il y a valorisation, bien entendu, puisque ce film fait connaître les Palawan d'une façon que mes livres ne peuvent pas traduire d'une part, ou peut-être ne diffusent pas assez largement. D'autre part il y a des matériaux très spécifiques, visuels et sonores, qui me servent directement comme matériaux de travail. 

     

    LM : C'est une histoire qui continue ? 

    Pierre Boccanfuso : C'est une histoire qui se poursuit. Il y a un second film qui va sortir, un 90 minutes qui démarre sur la dernière séquence du film. Je suis plus qu'heureux de cette relation. C'est bien davantage que du travail. Nous sommes devenus des amis. 
    Sur le travail proprement dit, ce qui m'a plu c'est cette caméra participante. Lorsque je suis retourné tout seul, j'ai dormi chez la famille que je filmais. Je dormais dans un hamac que je relevais en me réveillant. Je supprimais toutes mes propres affaires, je partageais tout avec cette famille : leurs joies, leurs peines, leurs problèmes... et dès que je sentais une action intéressante, je tendais ma main, je prenais une mallette, je sortais une caméra et ils ne s'arrêtaient pas dans leurs attitudes, leurs griefs, leurs plaisanteries. C'est vraiment un film avec un regard intérieur et non pas un regard extérieur, distancé. C'est un film dans lequel il n'y a pas besoin d'un commentaire didactique. Tout se comprend grâce aux discutions, aux règlements de leurs problèmes, à travers des sous-titres. Quand on focalise sur une famille, et sur les fils du chaman, à travers leur expérience de vie, on comprend le mode de vie de ces Palawans. 

     

    Laurent Maget : Pierre, l'interaction est réciproque et continue. Je crois savoir que tu es en train de préparer une thèse ? 

    Pierre Boccanfuso : Oui je fais une thèse sur le film ethnographique, sur les passerelles qui peuvent exister entre le film documentaire pour grand public et le film ethnographique fait par des scientifiques. 

    Vallouise 5 Juillet 2007

     

    http://maget.maget.free.fr/Filmo/Palawan/Palawan.htm